lundi 24 août 2015

Pluie thérapeutique



Un éclair déchire le ciel, suivi de près par un bruyant coup de tonnerre.

Je frémis, allongée de tout mon long sur notre lit. Seuls mes orteils trahissent mon impatience tandis que j'attends, fébrile, le second acte des événements ...

Ca commence tout doucement, à tel point qu'il faut tendre l'oreille pour percevoir ce nouveau bruit dans la ville endormie. Puis petit à petit, il s'enorgueillit, enfle sous l'atmosphère électrique jusqu'à nous rappeler le bruit mais aussi l'instant de délice de notre douche matinale.

Elle est enfin là. La pluie.
Après des semaines d'insomnies, de souffle coupé, de gestes ralentis, je la sens qui réveille chacun de mes sens. Je m'étire de plaisir, comme une plante asséchée tend ses feuilles jaunies vers cet arrosage naturel, sauvage, abondant et salvateur.
Je sens la fraîcheur envahir tout mon être tandis qu'un long frisson me fait chercher le drap, du bout des doigts pour ne surtout pas en perdre une miette.
Je perçois une odeur de terre mouillée encore timide, dans laquelle je m'enfouis tout entière.
Mais rien ne peut égaler le plaisir que me procure le bruit de cette pluie s'abattant par rideau, tantôt violente et multiple, puis plus douce et régulière.

C'est bon, le tableau est complet. Je peux enfin m'évader. Me voilà en terre inconnue, allongée sur un tapis de mousse au bord d'une rivière, protégée de l'assaut des gouttes par le branchage d'un vieux saule pleureur ... Ou alors sous une paillote, en Thaïlande, en communication directe avec la nature, bercée par le bruit d'oiseaux continuant de se séduire malgré la pluie. Ou bien encore sous une grande verrière m'offrant le spectacle unique de ce déchaînement des éléments.

Je me sens si bien, je suis dépaysée, la pluie recharge mes batteries affaiblies par abus de soleil.
Abandonnée dans mes rêveries, j'oublie les dernières inquiétudes du quotidien.
J'inspire profondément et gonfle mon corps de cet air humide avant de l'expirer progressivement, délicatement, comme pour lui montrer que je suis heureuse de l'accueillir.
J'entends à nouveau le grondement paternel du tonnerre, devine le spectacle des éclairs et ...

"Tout doucement, vous allez reprendre une respiration naturelle ... Vous allez à nouveau vous concentrer sur les différents bruits autour de vous : le tonnerre, l'eau de la rivière, les chants d'oiseaux, la pluie ... Puis vous allez, à votre rythme, vous reconnecter avec votre corps : sentez le contact de tous vos membres sur la table, du sommet de votre crâne jusqu'aux talons. Progressivement vous allez mobiliser vos poignets ... vos chevilles .. votre nuque ... vos genoux. Et dès que vous serez prêt vous allez lentement ouvrir les yeux et vous asseoir." 

Mon patient se frotte les yeux, remet ses chaussures puis s'étire, un sourire détendu aux lèvres et les yeux encore attachés au souvenir de cet oasis de fraîcheur que je lui ai conté.

Et c'est un des bonheurs qui embellissent chaque jour mon quotidien d'orthophoniste.